En décembre dernier, Tiffany Henne s’est rendue à Doha pour couvrir la Coupe du monde masculine de football. La journaliste dresse un bilan sur son expérience de journaliste indépendante sur place et évoque les difficultés de partir sans le soutien d’une rédaction.
“Une adaptation sans faille” : voilà ce que Tiffany Henne retiendra de sa Coupe du monde. “Même avec des contacts, rien n’est gagné, il faut s’accrocher”, confie-t-elle. Seule au Qatar, la journaliste a dû redoubler d’efforts pour produire du contenu. Car, à la différence des autres journalistes envoyés par leur propre rédaction, Tiffany Henne a été invitée par le Qatar lui-même, via des supporters français. Ses billets d’avion et son hébergement étaient ainsi pris en charge. La passionnée de foot en a bien conscience, sans cette proposition, elle n’aurait jamais eu l’occasion de couvrir cet événement sportif.
Toutefois, avant d’accepter, Tiffany (32 ans) s’est assurée qu’elle n’avait aucune obligation de produire des contenus promouvant du Qatar. “Comme j’étais libre, je me suis dit que j’allais saisir cette opportunité pour travailler de mon côté et montrer s’il y a des choses à voir. C’est notre rôle de journaliste”, raconte-t-elle en précisant que son unique condition était d’assister au match d’ouverture de la compétition.
Se préparer à toute éventualité
C’est donc comme journaliste indépendante que Tiffany Henne s’est rendue à Doha en espérant être sollicitée par des médias. “Je me suis bien trompée”, admet-elle. Pourtant elle a déjà l’expérience des grandes compétitions : en 2019 lors de la Coupe du monde féminine de football en France, elle travaillait pour RMC Sports et était chargée du suivi des Bleues. Mais sans le soutien d’une rédaction au Qatar, elle a vite déchanté. “J’ai eu l’impression que toutes les grosses rédactions avaient envoyé encore plus de monde que d’habitude. Peut-être parce que c’était une Coupe du monde décriée. Il a donc fallu trouver autre chose”.
Prévoyante et ne sachant pas ce qui l’attendait sur place, la journaliste a emmené son propre matériel : “deux téléphones, des stabilisateurs, de la lumière, des micro-cravates, des calepins et un ordinateur contenant un logiciel de montage”, liste-t-elle. Elle a également réfléchi à des sujets qui pourraient intéresser les rédactions. “Un sujet me tenait particulièrement à cœur : les femmes qui jouent au foot au Qatar. Je suis déçue car je n’ai pas pu le faire. Je me suis renseignée pour le réaliser mais j’ai eu du mal à trouver des contacts. Une fois que j’en ai eus, j’ai l’impression qu’on m’a fermé les portes. J’ai trouvé une femme qui jouait au foot et elle m’a dit que c’était ok mais je n’ai plus eu de réponse de sa part dès le lendemain”, regrette-t-elle.
Rester toujours à l’affût
Mais Tiffany Henne s’accroche. Sur place, elle avait l’objectif de montrer ce que les médias n’avaient pas le temps de faire. “Eux, ils avaient des accréditations. Ils se rendaient aux matchs, aux entraînements… Moi, je n’avais pas accès à ça donc j’ai fait différemment. On arrive à Doha, on ne connaît personne donc il faut trouver des gens sur qui faire des reportages”, explique la pigiste qui sera finalement approchée par Afrique Football. “Au quotidien, je devais produire des petits contenus sur tous les pays d’Afrique puis il a été décidé que je suivrais les Marocains. La personne qui m’a fait suivre l’équipe du Maroc a eu du nez”, sourit-elle. Le Maroc est entré dans l’histoire du football en devenant la première nation africaine à atteindre le dernier carré d’une Coupe du monde, tombant uniquement face aux Bleus en demi-finale. Le pays est désormais au 11e rang mondial. “Dès que je faisais une activité, notamment dès que j’allais au souk, j’essayais de tourner des stories et repérer des Marocains, leur demander si je pouvais les suivre quand ils allaient voir des matchs”, complète-t-elle.
Avec un confrère rencontré sur place, Tiffany Henne a également pris l’initiative de créer des comptes Instagram et Twitter nommés “@qatarworldcupinside”. Les deux journalistes y ont partagé l’ambiance au Qatar. Tiffany la décrit comme “particulière”. “La journée, c’était un peu ‘mort’. Je pense que les gens visitaient, se reposaient ou allaient voir des matchs. Mais le soir, dans le souk, il y avait toujours une ambiance extraordinaire. Il y avait des défilés de supporters, ceux des pays du Maghreb faisaient beaucoup de bruit”, se remémore-t-elle.
Avec du recul, et si elle avait su un peu plus tôt qu’elle partait au Qatar, Tiffany Henne aurait aimé créer une chaîne Youtube, penser à faire d’autres reportages “notamment pour faire découvrir le pays par le sport”.
Le 20 juillet prochain débutera la Coupe du monde féminine de football. Cette année, le tournoi se déroulera en Australie et en Nouvelle-Zélande. Tiffany Henne rêve de couvrir l’événement mais ne se fait pas d’illusion. “Est-ce que je vais pouvoir le faire ? Je ne crois pas. Sauf miracles si je trouve des piges.”
Emma Ressegaire
Edité par Anne Thirion et Sarra Djeghnoune