“On prépare évidemment la Ligue des nations, avec la Coupe du monde à l’horizon”

Ce mercredi 1 juin, Femmes Journalistes de Sport avait rendez-vous à Clairefontaine avec Didier Deschamps. Malheureusement, le sélectionneur, touché par un deuil, n’a pas pu être présent. C’est donc son adjoint, Guy Stéphan, qui l’a remplacé pour rencontrer la vingtaine de jeunes adhérentes de FJS et de l’association Golden Blocks. Un échange riche en questions “judicieuses”,comme l’a souligné Guy Stéphan, visiblement ravi de cette conférence de presse, à quelques jours du coup d’envoi de la Ligue des Nations.

Récemment, le milieu belge Kevin De Bruyne a déclaré que, pour lui, la Ligue des Nations n’avait pas grand intérêt. Que représente-t-elle pour l’équipe de France ?

C’est une compétition qui est nouvelle, c’est seulement la troisième édition qui commence vendredi. Le Portugal a gagné la première, on a gagné la deuxième. Avant, il n’y avait pas la place pour un tournoi à cause du nombre de matches amicaux, il y a eu une réflexion à l’UEFA qui a abouti à la création de la Ligue des Nations. C’est un tournoi d’autant plus important qu’on l’a remporté l’année dernière. On a éliminé nos amis belges en demi-finale, malheureusement pour eux, c’est peut-être pour ça qu’ils apprécient moins la compétition (rires). On a quatre matches à disputer en onze jours, ce qui est beaucoup, on ne joue jamais autant en si peu de temps, mis à part à l’Euro et à la Coupe du monde. On va faire en sorte de bien la préparer et il y aura probablement un turnover. On a beaucoup insisté sur la régénération des joueurs, puisqu’ils ont déjà beaucoup joué avec leurs clubs. Là, on est focus sur le match du Danemark dans un premier temps. Puis il y aura la Croatie, l’Autriche et de nouveau la Croatie.

Comment comptez-vous gérer les formes physiques de chacun, vous comptez faire tourner ? 


Didier (Deschamps, le sélectionneur) fera ses choix. Il a déjà dit qu’il allait faire beaucoup tourner. Il a surtout parlé des attaquants, mais cela concernera probablement aussi d’autres joueurs. C’est quasiment obligatoire quand on a quatre matches en onze jours, ce n’est pas possible d’aligner à chaque fois les mêmes joueurs. D’autant plus que certains d’entre eux ont enchaîné au moins 55 matches depuis le début de la saison. Les spécialistes de la préparation physique disent que 55 c’est un seuil à ne pas trop dépasser, sinon on augmente la possibilité de blessure.

En tant que tenant du titre, y a-t-il une pression particulière à l’approche de cette compétition ?

Ce sont des joueurs qui ont l’habitude. Dans leurs clubs, on leur dit tous les trois-quatre jours qu’il faut gagner, toute l’année. Il n’y a pas un match où on leur dit “celui-là, on peut le perdre”. Ils arrivent en équipe de France et on leur dit aussi qu’il faut tout gagner. Ils sont préparés pour ça, ils ont la force psychologique pour le faire. Le souci, c’est l’adversaire, qui, quelquefois peut être meilleur, sur une demi-heure, un quart d’heure. Il ne faut pas prendre de but à ce moment-là.

Dans quel état d’esprit allez-vous aborder cette compétition. Êtes-vous dans un objectif de préparation à la Coupe du monde ?

On est dans une optique de gagner les matches. Évidemment que, derrière tout ça, il y a le fait que la Coupe du monde va arriver assez vite. Après ce rassemblement-là, de juin, il n’y en a plus qu’un, celui de septembre, d’une semaine, avec deux matches, et après c’est la Coupe du monde (21 novembre-18 décembre, au Qatar). Il y aura simplement une liste en septembre, puis la liste définitive du groupe pour le Mondial. On prépare évidemment la Ligue des nations avec la Coupe du monde à l’horizon.

Vous commencez par le Danemark, que vous allez retrouver en phase de groupes de la Coupe du monde. Allez-vous aborder ce match différemment des autres ? 

C’est la curiosité du tirage au sort. Eux peuvent se dire exactement la même chose. On va les jouer en juin, en septembre (le 25), puis le 26 novembre, pour notre deuxième match de poule. C’est une curiosité pour nous comme pour eux, sachant qu’en 2018 (lors de la Coupe du monde), ils étaient déjà dans notre poule, avec le Pérou et l’Australie. Entre temps, on ne les a pas joués, mais c’est une équipe solide, à mon avis sous-cotée. On n’en parle pas beaucoup. Ils sont 11e mondial, c’est mieux que l’Allemagne au classement. C’est une équipe qui n’a pas de noms très connus, à part (Christian) Eriksen ou (Kasper) Schmeichel. Il n’y a pas beaucoup de stars, mais c’est une équipe très robuste.

La saison a été longue, notamment pour Karim Benzema, qui vient de remporter la Ligue des Champions. Trouvez-vous les joueurs en forme ?

C’est pas mal, il y a une énergie qui se dégage à l’entraînement. J’avoue que je ne m’attendais pas forcément à ça, compte-tenu du nombre de minutes qu’ils ont jouées dans l’année. J’ai trouvé aussi qu’ils avaient plaisir à se retrouver, il y avait des sourires. Je les vois rester longtemps à table, c’est un signe. Je vois de l’intensité dans les entraînements, malgré une grosse année. Après, il y a toujours le verdict de la compétition. 

En ce moment, de plus en plus de clubs et de fédérations ont recours à des préparateurs mentaux. Est-ce le cas de l’équipe de France ?

Didier Deschamps est partisan d’un staff réduit. Sans fausse modestie, il aime bien être entouré de gens compétents mais pas en grand nombre. Il y a un entraîneur adjoint, un entraîneur des gardiens et un préparateur physique. Ça ne fait que quatre personnes. Après, il y a des gens qui s’occupent de la vidéo, un staff médical, un responsable de presse mais on est probablement la nation qui a l’équipe la moins étoffée. Nous n’avons pas de préparateur mental parce que c’est Didier Deschamps et l’ensemble du staff le préparateur mental. Nous sommes très attentifs aux joueurs. C’est vrai que l’on commence à en voir dans les clubs mais après on verra. On a été champions du monde comme ça.

Didier Deschamps a sélectionné pour la première fois Boubacar Kamara. Est-ce dans l’optique de rajeunir le groupe en vue de la Coupe du monde ?

C’est sa première convocation parce qu’il n’a pas encore joué (un joueur est considéré comme  “sélectionné” à partir du moment où il entre en jeu). C’est un très bon joueur que l’on regarde depuis plusieurs mois. Il est capable d’évoluer au milieu de terrain et en défense centrale, et il a un bagage assez important. Ce n’est pas parce qu’il est jeune qu’il est là, c’est parce qu’il est bon. Il sera peut-être amené à avoir du temps de jeu. On verra ça dans quatre matches.

Ce choix de le retenir est-il aussi une façon de ne pas risquer de le voir sélectionné par le Sénégal ?


Ce n’est pas pour le verrouiller. Il a répondu à cette question. Il n’a pas été approché par le Sénégal. C’est un pays qu’il aime bien car c’est celui de son père. Lui, il joue depuis son plus jeune âge en France. Il a joué à l’Olympique de Marseille de ses six ans à ses vingt-deux ans ans mais il a déclaré ne pas avoir hésité à partir pour Aston Villa. Didier le dit à chaque fois : ce n’est pas pour le verrouiller, c’est parce qu’il a de la qualité.

Le fait de ne pas jouer la Ligue des champions peut-il lui porter préjudice pour la Coupe du monde ?

Non. Il ne faut pas prendre mal ce que je vais dire mais sur les douze derniers matches de l’Olympique de Marseille en Ligue des champions, il y a eu combien de victoires ? Je crois qu’il n’y en avait eu qu’une. J’espère que ça va bien se passer la saison prochaine. Il va à Aston Villa, donc il va jouer deux fois contre Manchester City, deux fois contre Manchester United, deux fois contre Liverpool, contre Tottenham… enfin s’il joue, j’espère ! Ce sont des matches de haut niveau, une nouvelle expérience pour lui avec un entraîneur différent, une langue différente. C’est sympa à vivre, surtout quand l’entraîneur fait le déplacement et vient vous voir personnellement, chez vous. Je conseille souvent aux joueurs qui sont susceptibles de changer de clubs, de contacter directement l’entraîneur du club où ils veulent aller pour qu’il leur dise : “Je te veux, je veux te faire jouer à tel poste”.

Avez-vous des attentes spécifiques pour certains joueurs ?


On attend globalement qu’ils soient bons et que collectivement on ait un schéma qui corresponde et qui nous amène à gagner des matches. Et surtout qu’ils vivent bien ensemble pendant quinze jours. On n’a pas d’attentes particulières, on n’est pas en train de dire “tel joueur, il faut qu’il marque, tel joueur, il ne faut pas que son attaquant passe”, c ’est beaucoup plus collectif. On est en préparation d’une grande compétition, dans six mois, et on est aussi là pour préparer quatre matches (ceux de la Ligue des Nations) que l’on estime importants. On a eu, sans dévoiler de secret, un discours du président (Noël Le Graët), tout à l’heure. Il nous a dit qu’on était là pour défendre un trophée que l’on a gagné par la force du jarret. On espère rééditer cette performance. Mais nos adversaires ne sont pas du même avis je crois !

Karim Benzema, Ballon d’or, vous y croyez ou pas ? 

Oui ! Mais le résultat n’est pas pour tout de suite, c’est le 17 octobre. Très bonne date le 17 octobre ! (celle de l’anniversaire de Guy Stephan)

On est en pleine période de transferts. Cela peut-il avoir de l’influence sur le groupe ?


C’est surtout embêtant quand on joue la Coupe du Monde, par exemple. Mais sinon, c’est toujours comme ça au mois de juin, il y a toujours des changements de joueurs dans les équipes, il y en aura toujours. Là, en l’occurrence, il y a des joueurs qui sont concernés par un changement de club, avec la particularité aussi pour certains d’arriver en fin de contrat, ce qu’on ne voyait pas cinq ou dix ans en arrière, en tout cas c’était beaucoup plus rare. Kylian (Mbappé), par exemple, même si son choix est déjà fait, arrivait en fin de contrat. Mais ça fait partie de leur vie. Cette génération-là, la génération Z,  n’a aucun problème pour s’expatrier. Aucun problème avec les langues, aucun problème pour partir. Ce n’était pas le cas, dix, vingt ans en arrière. “Bouba” Kamara part à Aston Villa, aucun problème pour lui. Cela arrivait quand même beaucoup moins. Didier Deschamps était parti en Italie, mais il était plus âgé (il avait 26 ans), eux, ils partent à 20 ans, 21 ans, et ce n’est pas un problème.

Emmanuelle Devriese, Zoé Faucher, Roxanne Lacuska, Emeline Odi, Coumba Niang, Hiba Ben Halima, Naomy Ngalula, Julia Solans, Salomé Chauvet, Tiffany Amisse, Vanessa Le Moigne, Louise Pointin, Marie-Fatou Gueye, Syanie Dalmat, Anne Thirion, Mensah Anais, Bouda Célia, Bouazza Jana, Ferreira Carla, Dembele Karthoum

Pour ne plus être discriminées, harcelées, invisibilisées, il est temps pour nous, femmes journalistes de sport, de se compter, de s’unir et de peser.

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