Muriel Pichon, une cheffe d’orchestre à Eurosport

Elle est celle qui chuchote à l’oreille des présentateurs d’Eurosport. Muriel Pichon assure le lien entre les équipes techniques et la rédaction et garantit le bon déroulé des émissions sportives de la chaîne internationale. Elle forme également des jeunes femmes au métier de journaliste au sein de FJS. Portrait.

Peu connu du grand public, le métier de live producer, ou chef d’édition en français, est pourtant indispensable. Muriel Pichon, journaliste en CDI à Eurosport l’exerce depuis le 1er novembre 2021. L’idée, quand on est live producer, est de prendre un match en particulier et de construire l’avant-match, la mi-temps et l’après-match. Il faut savoir ce que l’on va dire, à quel moment, quelles images on va utiliser, quel focus on va faire…”, explique-t-elle d’entrée.

Au quotidien, la journaliste de 35 ans suit une routine bien spécifique, qui fait d’elle la cheffe d’orchestre des émissions sur lesquelles elle travaille. “J’arrive à la rédaction environ trois heures avant la prise d’antenne, prépare le conducteur de l’émission que je distribue ensuite aux équipes techniques, présentateur et commentateur, détaille-t-elle. Puis, je demande à l’opérateur synthétiseur tous les éléments graphiques dont j’ai besoin avec les noms, les titres, les tableaux. J’explique ensuite au live touch (personne qui r​​éalise les séquences vidéo au ralenti, ndlr) les images qu’il doit récupérer : cela peut être des sujets que j’ai déjà vérifiés la veille ou des images qu’il faut prendre à l’échauffement d’un joueur”.
Il arrive parfois que tout ne se passe pas comme prévu car les aléas et les imprévus sont monnaie courante dans ce métier. Dans ces moments, Muriel Pichon doit garder son sang-froid et se montrer réactive. “Il ne faut surtout pas stresser, assure-t-elle. On peut te demander de changer un truc une minute avant l’antenne. Puis, quand il y a un problème, il faut tout de suite réagir, nous avons juste une ou deux secondes. La réactivité est la plus grande des qualités ”, précise la journaliste.

Une journaliste aux multiples facettes

Passionnée par le terrain, Muriel Pichon ne se cantonne pas seulement au métier de live producer. Car la journaliste en a bien conscience , dans la profession, il faut rester ouvert à d’autres sports et se montrer polyvalente. “Même si c’est un sport que tu ne connais pas, tu vas travailler, souligne-t-elle. Une bonne journaliste de sport, c’est avant tout une bonne journaliste qui travaille.”

Après avoir couvert en 2022, la 46ᵉ saison de biathlon, la journaliste s’est rendue cette année à Turin (Italie) et en Finlande avec Nathalie Péchalat, ancienne patineuse et ex-présidente de la Fédération Française des Sports de Glace (2020-2022), devenue consultante, pour couvrir la finale du Grand Prix ISU de patinage artistique.

En déplacement, Muriel Pichon enfile ainsi une nouvelle casquette : “Je deviens executive producer, explique-t-elle. La politique d’Eurosport est d’envoyer seulement des consultants sur place pour faire des interviews. Sauf que ces derniers ne sont pas journalistes, il faut donc les aider et les coacher.”
Quand on lui demande de citer une grande expérience marquante, Muriel évoque les Jeux Olympiques de Tokyo en 2021. Malheureusement en raison de la pandémie de Covid-19, la journaliste en garde un goût amer puisqu’elle n’a pas pu se rendre au Japon. Elle se souvient néanmoins avoir énormément travaillé. « C’est assez sportif, les horaires sont larges, se remémore la journaliste. C’est deux semaines, mais on a l’impression que cela dure neuf mois. On change beaucoup de sports, il faut tout savoir. » Muriel Pichon estime qu’il ne s’agissait pas des meilleurs Jeux et se tourne déjà vers Paris 2024 avec envie.

À la tête du programme “Pas de Jeux sans elles” de FJS

Impatiente d’y être, la journaliste espère que les femmes journalistes de sport seront nombreuses à couvrir l’événement contrairement aux précédentes éditions. En effet, elles sont généralement mises sur la touche lors des grandes compétitions. En minorité dans les rédactions, les femmes ne constituent que 15 % des effectifs d’après une récente étude de notre collectif.

Afin de contribuer à inverser la tendance, Muriel Pichon a décidé de s’engager dans l’association Femmes Journalistes de Sport après avoir visionné le documentaire de Marie Portolano “Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste”, diffusé en mars 2021. “Quand le documentaire est sorti, cela m’a fait un choc, se souvient-elle. Au début, je ne pensais pas que c’était plus difficile pour une femme, que c’était le métier qui voulait ça. Mais, je me suis rendue compte que certaines choses n’étaient pas normales.”

Au sein du collectif, Muriel Pichon chapeaute le programme “Pas de Jeux sans elles”. Cette initiative vise à former des étudiantes ou des femmes en reconversion professionnelle au métier de journaliste de sport avec pour objectif de travailler sur les Jeux Olympiques de Paris 2024. “On peut dire que nous ne sommes pas assez nombreuses mais si on ne forme personne, cela ne sert à rien, remarque Muriel. Il faut proposer des solutions aux employeurs. » Sa façon à elle d’apporter sa pierre à un édifice loin d’être entièrement bâti. 

Emma Ressegaire
Édité par Anne Thirion, Sarra Djeghnoune et Syanie Dalmat

Pour ne plus être discriminées, harcelées, invisibilisées, il est temps pour nous, femmes journalistes de sport, de se compter, de s’unir et de peser.

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