Jessika Guehaseim : “Je ne laisse passer aucune remarque sexiste à la télé”

Jessika Guehaseim a porté les couleurs de l’équipe de France dans trois disciplines différentes. Après 20 ans de haut niveau, la jeune femme de 33 ans a décidé de se tourner complètement vers le journalisme de sport. Rencontre avec une ancienne athlète et journaliste engagée.

Depuis toujours, le sport fait partie intégrante de la vie de Jessika Guehaseim. Elle a d’abord connu un riche parcours de sportive de haut niveau : athlétisme, lutte, lancer de marteau et rugby à XIII. Des sports dits “masculins” auxquels la société collent de nombreux clichés. Cependant, Jessika ne leur a jamais accordé une grande importance. “J’étais plutôt apprêtée à chaque compétition. C’est ma personnalité : j’adore le maquillage, la mode, souligne-t-elle. J’ai gardé mon identité que j’ai transposée à mon sport et non pas le contraire”.

Malgré un palmarès étoffé, Jessika Guehaseim souhaite définitivement passer à autre chose au moment du confinement de 2020. “J’avais décidé de faire un sport peu connu qui n’a pas beaucoup de licenciées (le rugby à XIII), explique-t-elle. Je faisais 1h30 de route aller-retour pour me rendre aux entraînements alors que c’était le club le plus proche. Je ne voulais plus sacrifier autant de temps pour le sport”. Toutefois, il n’était pas question pour elle de s’éloigner du milieu sportif. “J’ai voulu y garder un pied car c’est mon premier amour et cela m’a permis aussi de passer le cap de la retraite plus facilement”. Prévoyante et sachant exactement ce qu’elle voulait faire après sa carrière de sportive, Jessika avait suivi des études de journalisme au CFJ Paris quelques années plus tôt.

L’avantage d’être une ex-athlète

“Être une sportive de haut niveau m’a apporté beaucoup de chance, d’opportunités que je n’aurais sûrement pas eues”, admet Jessika Guehaseim, consciente que son passé d’athlète professionnelle a grandement aidé à ce que sa carrière de journaliste se lance. Elle relate ainsi comment son réseau lui a permis d’effectuer ses premiers pas comme consultante. “Un jour au déjeuner, je discutais avec un entraîneur d’athlétisme, également consultant sur Bein et Canal +. Il m’expliquait qu’il ne pouvait pas s’y rendre le lendemain et m’a demandé si je voulais prendre sa place.” 

Elle renouvellera l’expérience dans le rugby à XIII, la fédération recherchant des femmes pour commenter des matchs. “Ils se sont dit que c’était top car je suis une spécialiste de la discipline que je pratiquais et que le journalisme est mon métier. Pour eux, c’était le combo gagnant”, assure Jessika. 

Elle est ainsi devenue la première femme à commenter du rugby à XIII à la télévision. Agréablement surprise par le retour des téléspectateurs qui la félicitent pour ses expertises et analyses, la journaliste n’hésite pas à répondre à quelques détracteurs. “Certains spectateurs se permettent de, pendant que je commente un match, m’envoyer des textos pour me dire “ça on n’appelle pas ça comme ça…”. Je réponds tout de suite en direct en leur disant “est-ce que tu te permettrais de dire ça à Rodolphe Pirès ?” (NDRL : commentateur de rugby sur BeIN Sport). Ils me répondent que non.  Si tu ne te le permets pas pour lui, ne te le permets pas pour moi. Ils tentent, ils se permettent des choses mais je les recadre très vite”.

Une journaliste engagée

L’ancienne athlète de haut niveau lutte également au quotidien contre les propos sexistes. Commentatrice pour Canal+ et viàOccitanie, elle n’hésite pas à recadrer aussi certains de ses confrères masculins parfois même à l’antenne. “Je ne laisse passer aucune remarque sexiste à la télé, que ce soit par de l’humour ou autre. La laisser passer, c’est cautionner. C’est mon engagement à moi, ma manière d’occuper la place.

Lorsque l’association Femmes Journalistes de Sport a été créée, Jessika Guehaseim n’a pas hésité une seule seconde à la rejoindre. “Pour moi, c’est hyper important d’être représentées, de discuter… Je suis très fière d’être une femme qui commente du sport à la télé, sourit-elle. Je n’ai pas eu besoin de modèle, mais tout le monde n’est pas comme moi. Ce collectif est nécessaire pour apporter de l’espoir aux femmes qui ont envie de faire ce métier et qui se disent que ce n’est pas possible.”

Jessika Guehaseim se bat aussi pour le sport au féminin afin qu’il soit beaucoup plus mis en lumière. “Je milite pour qu’il soit plus médiatisé, qu’on lui donne plus de place. Les performances sont exceptionnelles. Le sport au féminin a entièrement sa place à la télé.”

Emma Ressegaire

Pour ne plus être discriminées, harcelées, invisibilisées, il est temps pour nous, femmes journalistes de sport, de se compter, de s’unir et de peser.

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