Anne Boyer : “Homme ou femme, il n’y a pas de différence à faire”

Peu de femmes ont accès au commentaire sportif. Anne Boyer, journaliste sur Eurosport, fait partie des rares en France à le pratiquer régulièrement. Retour sur une carrière qu’elle n’avait jamais imaginé.

La vie professionnelle d’Anne Boyer bascule en 2018 après un appel de Géraldine Pons, directrice des Sports d’Eurosport France. “Elle m’a demandé si cela m’intéresserait de faire du commentaire, se remémore la journaliste. Je suis complètement tombée des nues. Je ne l’avais jamais envisagé car pour moi c’était complètement un autre métier.” La directrice de la chaîne sportive lui propose de commencer par du patinage artistique, une discipline que regardait Anne Boyer plus jeune mais à laquelle elle ne “connaissait pas grand-chose techniquement”. Ayant envie de changements, la journaliste de 34 ans, qui jusque-là montait et rédigeait des scripts en anglais pour la chaîne internationale d’Eurosport, accepte ce nouveau défi. “Comme je travaillais pour la partie anglophone, je ne posais pas ma voix. Et c’est vrai qu’au bout d’un moment, ça me manquait de ne pas le faire tout comme le fait d’écrire en français”. Elle repart donc de zéro et s’exerce sans relâche avant le début de la saison de patinage.

L’entraînement : clé de la réussite du commentaire sportif

Bien entourée par deux consultants habitués à cet exercice, Alban Préaubert et Nathalie Péchalat, Anne Boyer apprend les bases du commentaire sportif : maîtriser la discipline qu’elle commente, sa voix et enrichir son vocabulaire. “Une fois que l’on a ce bagage-là, il faut essayer d’agrémenter le commentaire : faire de l’humour, transmettre de l’émotion, bien échanger avec son consultant…“, détaille-t-elle.

Pour s’améliorer, la jeune commentatrice écoute aussi de nombreux commentaires et s’entraîne tous les jours devant sa télé ou devant un miroir. “Il faut en bouffer, beaucoup s’exercer, souligne-t-elle. Le conseil principal, c’est de travailler”. Elle s’inspire également de commentateurs plus aguerris, notamment ceux qui travaillent pour la même chaîne, tout en essayant de trouver sa propre personnalité. “J’ai plus écouté ce qu’il se faisait sur Eurosport car le commentaire n’a pas le même rythme que sur d’autres chaînes. France Télévisions, par exemple, s’autorise beaucoup plus à parler sur les programmes. Nous, c’est une règle : laisser le programme vivre et parler avant-après.

Le jour J arrive, le stresse monte et contre toute attente son premier commentaire sportif s’avère être un “véritable coup de foudre pour cet aspect du métier” auquel elle n’avait jamais pensé quand elle avait débuté sa carrière. “Je n’envisageais pas de faire du commentaire, pas parce que je pensais que ce n’était pas pour les femmes mais juste car je me disais que ce n’était pas fait pour moi”, précise la journaliste.

Commentatrice sur Eurosport depuis maintenant 4 ans, Anne Boyer touche désormais à plusieurs disciplines : le tennis, son sport de prédilection, le snooker (une variante du billard) et la gymnastique, notamment lors des derniers Jeux Olympiques, à Tokyo.


Chaque sport ayant ses spécificités, sa méthodologie de préparation est amenée à changer. Elle écrit plus pour le patinage, qu’elle ne commente que quelques mois par an, que pour le tennis, sur lequel elle travaille toute l’année, et où elle peut davantage se laisser porter. “À force de commenter les mêmes joueurs, on se souvient de plus de choses“, sourit-elle.

“On manque encore de femmes au micro


Si, aujourd’hui, le commentaire sportif est devenu une évidence pour elle, il y a quelques années, Anne Boyer avait des a priori, habituée à entendre des hommes. Mais au fil du temps, en écoutant les rares commentatrices et en pratiquant elle-même cet exercice, son ressenti a changé. “J’apprécie quand ce sont des femmes qui commentent, confie-t-elle. Cela a commencé par des consultantes et maintenant on entend des journalistes à l’antenne. Les mentalités évoluent, cela va dans le bon sens. (…) Hommes ou femmes, nous sommes des commentateurs, il n’y a pas de différence à faire”.

Bastion masculin dans lequel les femmes ont encore peu la parole, le commentaire sportif se féminise très lentement depuis quelques années. “On commence à progresser dans la représentation féminine dans les rédactions de sport, note Anne Boyer. Pour le commentaire, cela vient après parce qu’il y a ce côté plus pointu et que certains partent du principe que les filles connaissent moins bien le sport, qu’elles ont une moins bonne expertise“, regrette-t-elle.

Anne Boyer est néanmoins convaincue que les commentatrices seront de plus en plus nombreuses à exercer son métier dans le futur. “Les rédactions ont conscience que c’est un plus pour leur chaîne d’avoir des femmes à ce poste-là, assure la journaliste. Quand je dis que je fais du commentaire, il y a moins de surprises qu’avant. Il y a eu des commentatrices avant moi, il y en a de plus en plus et il y’en aura encore plus après moi et tant mieux.

Emma Ressegaire


Pour ne plus être discriminées, harcelées, invisibilisées, il est temps pour nous, femmes journalistes de sport, de se compter, de s’unir et de peser.

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